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Le Gouvernement responsable est structuré de manière à garantir que les vœux et intérêts bien entendus de la population constituent la gouverne de l’État.
La structure constitutionnelle
Après les insurrections du Haut et du Bas-Canada (1837-39) et leur union pour former la Province de Canada (1840), la population a majoritairement soutenu les réformistes modérés dans leur lutte pour instaurer un gouvernement responsable.
Le modèle finalement retenu, autant par la population que par les autorités impériales, est caractérisé par un Souverain dépositaire du pouvoir public et un gouvernement de coalition dirigé par deux premiers ministres, chacun possédant l’autorité et la responsabilité d’aviser le Souverain quant aux vœux et aux intérêts respectifs de leurs constituants britanniques et français. Il appartient au Souverain de sanctionner l’avis de ces conseillers en chef comme véritablement autorisé par le peuple et ainsi, d’exercer le pouvoir de l’État avec l’assentiment des gouvernés.
Dans la dernière manifestation de cette lutte, les Pères de la Confédération ont proposé de renouveler ce cadre constitutionnel à travers une variante fédérale de la Constitution britannique où le Sénat incarne la volonté des provinces et où chacune des deux chambres du Parlement, également représentative de la volonté du peuple, possède les mêmes pouvoirs et privilèges que la Chambre des communes britannique de 1867.
Bien que cet équilibre ait été octroyé par l’Acte constitutionnel de 1867, il ne fut jamais mis en œuvre, le résultat étant la concentration excessive du pouvoir au sein du bureau du premier ministre, laquelle compromet la liberté constitutionnelle du citoyen.
Il est impossible de maintenir le Gouvernement responsable si les pouvoirs de l’État peuvent être abusés par les acteurs politiques. Mais le cadre constitutionnel proposé par la Confédération, où le pouvoir public est légalement dévolu à une personne en même temps que l’autorité d’exercer ce pouvoir est légalement équilibrée entre deux acteurs politiques, fournit un mécanisme auto-correcteur pour empêcher les abus.
Alors que dans certaines circonstances ces critères pourraient être remplis dans un système unitaire, le fédéralisme représente généralement un environnement plus prometteur pour le développement d’un gouvernement responsable sain et durable.
Les contraintes à l’exercice du pouvoir inhérentes à ce cadre constitutionnel
Cet encadrement constitutionnel du pouvoir exploite les craintes et les ambitions de chacun des trois principaux acteurs politiques afin d’assurer la légitimité, l’efficacité et l’harmonie dans le gouvernement de l’État.
Il exploite leur nature humaine d’au moins deux manières :
Deuxièmement, si les acteurs ne peuvent concilier leurs différends ni ignorer leurs désaccords, les citoyens peuvent être appelés à soutenir les prétentions de l’un ou de l’autre à travers une élection générale sur la question. La crainte de perdre ces élections vont naturellement les inciter à réduire leurs ambitions à celles qu’ils croient défendent vraiment les intérêts constitutionnels légitimes du peuple.
La nature du Gouvernement responsable
« Le roi ne peut mal faire » car ses principaux conseillers, investis de l’autorité du Parlement pour parler et agir au nom du peuple, sont responsables de l’exercice de la prérogative du citoyen.
La position du Souverain lui permet de voir au-delà des prochaines élections et d’envisager les politiques à long terme qui pourraient contribuer au bonheur et à la prospérité du peuple. Mais il n’est pas autorisé à exercer comme il le veut la prérogative du citoyen, lequel est constamment aux aguets de ce potentiel d’abus. Il doit donc dépendre de sa capacité à influencer ses conseillers en chef pour soutenir ses politiques.
La clé pour maintenir le Gouvernement responsable se trouve dans le désir d’accomplissement du Souverain à travers sa contribution au mieux-être du citoyen et dans la crainte de se faire accuser d’abus de pouvoir.
Ainsi, il pourra influencer le cours du gouvernement, mais en se gardant de la moindre accusation d’abus de pouvoir, obligé qu’il est de s’assurer et de toujours pouvoir prouver que ses conseillers en chef ont assumé la responsabilité pour tout exercice de la prérogative du citoyen.
Les mécanismes politiques conciliant la volonté du Parlement
En vertu de la constitution britannique, chaque membre du Parlement est investi d’une autorité égale pour représenter et protéger les intérêts de ses électeurs. Dans le système fédéral développé au Canada, l’unité du pays est conciliée avec la diversité des provinces par la négociation entre les deux chambres du Parlement.
Le Souverain choisit une personne qu’il croit être en mesure de commander la loyauté d’une majorité du Parlement dans le but de former le gouvernement. Ce premier ministre doit se joindre une personne d’influence de l’autre chambre pour négocier un programme politique commun et la composition d’un Cabinet pouvant obtenir l’approbation des deux chambres. Ces deux dirigeants rédigeront ensuite le discours du Trône avec le Souverain.
L’approbation par le Parlement du discours du Trône autorise le Cabinet à poursuivre les priorités, les mesures et les politiques qui y sont énoncées. Elle confirme et autorise après coup, le choix du premier ministre par le Souverain. De plus, elle confie l’autorité aux deux dirigeants d’aviser le Souverain en conseil des vœux et intérêts de leur chambre respective, et ce jusqu’à l’expiration du mandat ou la révocation par la Chambre de l’autorité ainsi confiée.
Mode de gouvernance
En vertu de l’autorité du citoyen confiée au Parlement et de la volonté du Parlement à lui transmis par ces conseillers en chef, le Souverain sanctionne l’exercice de la prérogative du citoyen. Le Souverain est le garant de la légitimité de l’État.
Le Souverain ne peut agir si la volonté du Parlement est divisée. Il ne peut sanctionner l’avis du Parlement comme véritablement autorisé par le citoyen si cet avis est contraire à la volonté du peuple déjà édictée par une autre loi. En outre, il ne peut sanctionner l’avis du Parlement à moins que ses deux conseillers en chef lui fournissent le même conseil quant à l’exercice du pouvoir voulu par le peuple.
Si les chefs veulent exercer de nouveaux pouvoirs, ils doivent s’entendre. Ils feront naturellement appel au Souverain pour les aider à trouver un terrain d’entente. Le Souverain demeure neutre, impartial, afin de pouvoir travailler avec quiconque est désigné par le Parlement. Cette conciliation devra nécessairement circonscrire les intérêts constitutionnels légitimes du citoyen pour départager le pouvoir et structurer la loi fédérale en conséquence.
Le Souverain doit s’assurer que ses conseillers prônent les vœux et intérêts bien compris de leur chambre. S’il a le moindre doute, ou s’il ne croit pas que la matière ait été pleinement traitée, il peut demander aux chefs de la soumettre à leur chambre afin de poursuivre le débat jusqu’à son dénouement.
Si les conseils qu’un chef tient à donner ne reflètent pas la volonté de sa chambre, cette dernière peut révoquer son autorité pour la confier à quelqu’un qui représente mieux ses sentiments. Si le conseiller en chef déchu fut celui chargé de former la coalition, le gouvernement tombe. En cas contraire, le premier ministre peut approcher une autre personne de l’autre chambre afin de négocier une nouvelle coalition.
L’autorité confiée au Cabinet de mettre en œuvre la volonté du Parlement dans les divers départements exécutifs de l’État peut aussi être révoquée s’il n’est pas en mesure ou s’il refuse de le faire.
Le pouvoir du peuple sur son gouvernement
Si les deux chefs croient que le Souverain abuse de son pouvoir, ils peuvent démissionner. Si le Souverain croit qu’un chef abuse de son autorité constitutionnelle, il peut le renvoyer s’il trouve une autre personne d’influence pour défendre sa décision. Si l’un des chefs croit que son homologue et le Souverain sont de connivence pour contrôler sa juridiction légitime, lui et les collègues de sa chambre peuvent démissionner du Cabinet pour faire tomber le gouvernement. Si le conflit ne peut être réglé au Parlement, le citoyen résout la question par vote lors d’une élection générale.